Sébastien Maille, fervent adversaire du gaspillage

Restaurant le Back Spin

Par Lydie - Le 04 mai 2023

Sébastien Maille, fervent adversaire du gaspillage

C’est sur la côte d’Opale, au bord du golf de Wimereux, que le chef Sébastien Maille propose tous les midis une carte de saison élaborée à base de produits frais et de façon à limiter le gaspillage alimentaire.

POUVEZ-VOUS NOUS PARLER DE VOTRE PARCOURS ?

J’ai commencé l’apprentissage de la cuisine à 15 ans avec une formation classique : CAP, BEP, puis un bac pro. Ça m’a littéralement sauvé après des incidents de vie : j’avais trouvé un métier qui me passionnait. 

Mes deux premières maisons étaient des restaurants étoilés, le Château de Montreuil dans le Pas-de-Calais, puis l’Auberge de la Grenouillère. Après avoir un peu bourlingué, je suis devenu chef à 20 ans.

Quatre ans plus tard, j’ai eu la chance de m’associer pour ouvrir mon premier établissement. Depuis 2018, je suis à la tête du restaurant du golf de Wimereux

POUR QUELLES RAISONS AVEZ-VOUS FAIT DE LA RÉDUCTION DU GASPILLAGE VOTRE PRIORITÉ ?

Dès que je me suis mis à mon compte, il y a maintenant quinze ans, j’ai lutté au quotidien contre le gaspillage alimentaire. C’est quelque chose que je ne comprends pas et qui m’horripile. On est cuisiniers, le but c’est de recycler, pas de jeter

J’ai été élevé par ma grand-mère qui était dans le métier et qui travaillait très dur pour y arriver : je pense que ça m’a montré qu’on pouvait faire des choses extraordinaires avec des produits qui traînent dans le frigo. Je passe mon temps à remettre les choses en question et à me challenger sur ce sujet.

POUVEZ-VOUS NOUS DONNER DES EXEMPLES CONCRETS DE RÉUTILISATION DES RESTES ALIMENTAIRES ? 

Aujourd’hui, on a eu moitié moins de clients à cause d’un avis de tempête dans la région. J’avais prévu une volaille cuite à basse température, accompagnée d’une sauce normande. Les restes de volaille, je vais les retravailler en Rāmen avec des légumes et un bon bouillon que je servirai en plat du jour demain. Et pour la sauce normande, elle sera utilisée pour le repas du personnel

L’autre jour, il nous restait de la mangue, le chef pâtissier l’a transformée en profiterole exotique avec un sorbet. Ça change, c’est bien. Toute l’équipe, dès l’embauche, est sensibilisée à ce sujet très important, ils sont formés à ne pas gaspiller.

AVEZ-VOUS AUSSI MIS EN PLACE DES ACTIONS SPÉCIFIQUES POUR LE RECYCLAGE DES DÉCHETS ?

Oui, cela fait maintenant partie du fonctionnement du restaurant. Pour mes livraisons de poisson, par exemple, mon fournisseur repart avec ses caisses pour éviter au maximum d’avoir des emballages à jeter.

Pour les fruits et légumes, on fonctionne avec un système de consigne pour les cagettes. Aujourd’hui, j’ai eu 21 euros de consigne sur ma livraison. Il me suffit de rendre les cagettes au fournisseur pour récupérer ce montant. Avec l’épicier, on essaie aussi au maximum de réduire le volume d’emballages. Tout cela pour éviter de remplir les poubelles de caisses en papier, en carton et surtout en plastique.

EST-CE QUE VOUS RÉUSSISSEZ À CHIFFRER CETTE RÉDUCTION DES DÉCHETS ?

Je n’ai pas de volume précis en tête. Mais en plus d’être bon pour l’environnement et la planète, ce mode de fonctionnement est aussi vertueux pour la rentabilité de notre restaurant. Entre la gestion des déchets et les achats de produits solides et de matières premières à la juste quantité, je pense qu’on gagne chaque année environ 10 points de marge.

LE CHOIX DE VOS PRODUITS EST-IL IMPORTANT POUR VOUS ?

Bien sûr. J’essaie de me fournir le plus localement possible pour les matières premières comme la crémerie, le fromage, la viande, ainsi que les légumes. C’est le cas pour plus de la moitié des produits proposés à la carte du restaurant. 

Pour la pêche, par exemple, je m’approvisionne au port de Boulogne-sur-Mer en pêche durable. On a un calendrier des poissons à travailler en fonction de la saison, par exemple en ce moment c’est la raie. On propose au menu une pêche différente tous les jours. 

Après, je ne suis pas dans l’extrême, il y a aussi des fruits exotiques, du café ou du thé dans mon restaurant. Mais on essaie de faire cela de manière raisonnable et raisonnée. Nous, on souhaite proposer de beaux produits aux clients en restant à des prix raisonnables. Le plat du jour est à 15 euros, par exemple.

Quelles autres actions durables avez-vous mis en place dans votre restaurant ?

Je ne travaille qu’en frais, il n’y a pas de surgelé chez nous ce qui évite la mise sous vide et donc le plastique. Pour le nettoyage, nous n’utilisons que des produits Ecolabel qui sont meilleurs pour l’environnement, mais aussi pour la santé du personnel. Comme pour les aliments, on essaie d’utiliser la quantité juste, sans gaspiller de produit. 

Pour économiser l’électricité, nous n’avons aucun support publicitaire rétroéclairé. On éteint aussi le chauffage le soir. C’est la même chose pour le gaz : l’équipe est formée à avoir les bons réflexes, c’est-à-dire couper les plaques et la plancha dès que les préparations sont terminées. Pour le traitement des huiles usagées, on a un bac de dégraissage pour éviter que celles qui arrivent dans le vide sanitaire ne soient trop mauvaises pour l’environnement. 

Nous sommes aussi en train de changer le mobilier de la salle. Nous travaillons avec une entreprise locale qui va nous permettre d’avoir des meubles fabriqués en France avec du bois issu d’une filière durable et respectueuse de l’environnement. On fait certainement des erreurs, et on n’est pas là pour donner des leçons, mais on essaie à notre échelle de faire les choses bien, sans pour autant impacter le plaisir donné au client lors de sa venue.