Thibaut Ruggeri, un chef au service de la gastronomie durable

Restaurant L’abbaye de Fontevraud

Par Lydie, le 21 mars 2024

Un chef engagé pour une restauration respectueuse de l’environnement

Concilier le beau, le bon et le local. Le chef Thibaut Ruggeri propose une cuisine gastronomique et durable dans son restaurant l’Ermitage, situé au sein de l’abbaye de Fontevraud. Une cuisine épurée, basée avant tout sur le respect de l’environnement et le lien avec la nature. Nous avons rencontré ce chef engagé, dans la salle voûtée de son restaurant.

  

En quoi votre parcours est-il lié à une cuisine durable ?

Pour moi la cuisine durable, c’est proposer une expérience qui s’insère dans notre environnement ou qui ne vient pas l’épuiser plus que nécessaire. En dix années, le métier a beaucoup évolué et le contexte environnemental aussi. On ne peut pas nier la problématique qui est face à nous. J’ai pris des orientations ces dernières années que je n’aurais peut-être pas adoptées avant cela.

 

En arrivant à Fontevraud, j’ai d’une part subi l’influence et l’histoire de ce lieu qui a bientôt 1 000 ans et qui impulse des valeurs de spiritualité et d’essentiel, et d’autre part, j’ai pris conscience en vadrouillant dans la région, de la richesse du terroir.*

Quelles actions concrètes avez-vous mises en place au sein de votre restaurant pour réduire votre consommation énergétique ?

Nous avons déployé un pôle énergétique. C’est une grande innovation à l’échelle de l’abbaye de Fontevraud. Ce pôle réunit plusieurs usages et notamment la chaufferie du monument : ce dernier est chauffé uniquement à partir de granulés de bois qui sont produits dans une déchetterie locale à 23 km d’ici. Ce dispositif n’a jamais été vu ailleurs jusque-là et il a été distingué et récompensé à de multiples reprises. Ce n’est pas parce que les autres ne le font pas qu’il ne faut pas le faire ou ne pas y penser.

 

Une nécessité liée à une contrainte initiale : les fourneaux de la cuisine de son restaurant ne pouvaient pas être alimentés au gaz, ce dernier n’arrivant pas jusqu’à l’abbaye. J’ai aussi dû faire face à d’autres limites au moment de l’installation des cuisines, notamment celle de ne pas modifier la structure existante et classée du bâtiment. La voûte d’origine a été conservée et toutes les cloisons ont été directement collées sur la pierre.**

Sur quel poste avez-vous constaté la plus grande économie énergétique ?

En préparation. Nous devons nous poser la question quand nous préparons une garniture ou une base de garniture de la manière dont nous la cuisinons. Historiquement, on la précuit, on la descend en température dans une cellule de refroidissement, on la remet dans un frigo et puis au moment du service, on la remonte en température.

 

Ça fait une consommation d’énergie qui est folle alors que l’on peut se dire : « mon produit je vais le cuire en direct, comme ça il sort de la chambre froide ou de mon garde-manger, je le mets dans la poêle puis il part directement pour le consommateur ».

Et concernant l’eau, avez-vous fait des ajustements ?

Il y a de petites choses toutes simples à faire comme mettre des mousseurs sur chaque mitigeur ou avoir des robinets automatiques. J’ai par exemple une dizaine de robinets à détection automatique, c’est-à-dire que vous avez les mains devant, vous enlevez les mains et deux secondes après ça s’arrête.

 

Ce n’est pas énorme dans l’absolu, on pourrait se dire « oui, enfin tu as gagné deux secondes de robinet », sauf que sur une année complète et à l’échelle du monument, c’est colossal.

Qu’avez-vous fait pour embarquer vos équipes dans cette démarche ?

Très concrètement. Il y a trois mois, j’ai mis sur tous les appareils électriques leur puissance et leur consommation à l’heure, c’est-à-dire combien cela nous coûtait pour une heure d’utilisation. Parce que je pense que c’est très instructif pour chaque collaborateur d’avoir conscience qu’une cellule de refroidissement qui tourne non-stop toute la journée, c’est peut-être 2 kWh, mais avec le prix du kWh actuel, ça va représenter 1,75 € l’heure de fonctionnement.

Vous souhaitez encore mettre en place de nouvelles actions ?

Oui, car nous ne sommes pas encore arrivés au bout du chemin en termes d’objectifs de développement durable et d’économies d’énergie. En fait, c’est un sujet perpétuel. Aujourd’hui, on met en objectif certaines données chiffrées en adéquation avec le contexte environnemental actuel. Mais dans dix ans, ce contexte, je ne l’espère pas bien sûr, mais il sera à mon avis toujours compliqué. Et donc les objectifs seront peut-être encore plus exigeants.

 

Il est donc important de faire confiance à son bon sens. Je serai constamment en quête d’un maximum de plaisir pour le client, mais aussi d’un maximum d’économie d’énergie, de travail dans le respect de la nature. Aujourd’hui ma lubie c’est l’électricité, c’est l’eau un petit peu aussi, mais demain ça le sera beaucoup plus. Ce n’est que le début du chemin, je pense.

Tri des déchets, compost, véhicules électriques, éco-pâturage, refuge pour la Ligue de Protection des Oiseaux, etc. Les idées du chef Ruggeri et ses initiatives durables sont nombreuses au sein de son restaurant l’Ermitage. Preuve en est le menu unique « Lune » qu’il propose à la carte est ainsi renouvelé à chaque cycle de la Lune, afin de symboliser l’ancrage de la cuisine de Thibaut Ruggeri dans le rythme de la nature. Comme il le revendique, le « respect de la Terre nourricière » avant tout.